Le transport maritime explore des pistes pour réduire ses émissions de CO2 Imprimer

Le transport maritime international qui assure plus de 80 % du commerce mondial en volume, va bientôt devoir rendre des comptes en matière de réchauffement climatique.

L'activité, qui présente un bilan CO2 plutôt satisfaisant par rapport au tonnage de marchandises transporté - entre 3,1 et 4,1 % des émissions mondiales de dioxyde de carbone-, est encore exclue des mécanismes du protocole de Kyoto, qui fixe un calendrier de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Or, même s'il est fortement ébranlé par la crise économique, le secteur est appelé à croître, et avec lui, ses émissions de CO2, de 10 à 30 % d'ici à 2020 et de 140 à 200 % d'ici à 2050.

Lors de la signature du protocole de Kyoto en 1997, les négociateurs avaient renoncé à s'attaquer au monde de la mer. A qui imputer, en effet, les émissions de GES, dans le cas d'un porte-conteneurs suisse, affrété par le Danemark, battant pavillon du Liberia et se rendant en Chine ? La "patate chaude" a été transmise à l'Organisation maritime internationale (OMI), une agence des Nations unies mandatée pour faire des propositions. Mais dans la perspective de la grande conférence de l'ONU sur le climat qui se tiendra en décembre à Copenhague, la pression s'accentue. L'OMI dit vouloir adopter, dès cette année, une réglementation contraignante sur les émissions de GES, qui s'appliquerait à tous les Etats, y compris les pays en voie de développement (PVD). Ces derniers ont déjà fait savoir qu'un régime général serait incompatible avec le principe des "responsabilités communes mais différenciées", reconnu dans la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui fait porter l'essentiel des efforts sur les pays industrialisés.

En attendant, le secteur est en ébullition. A Genève, du 16 au 18 février, des représentants d'Etats du Sud et du Nord, des organisations non gouvernementales et des responsables maritimes et portuaires ont participé à une réunion d'experts organisée par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), afin d'étudier les pistes possibles de réduction des GES.

Andre Stochniol, de l'institut londonien Imers, a défendu un projet de taxe sur les carburants, censé rallier les Etats les plus pauvres. Les navires qui transportent des marchandises vers des pays développés paieraient à 100 % cette redevance ; ceux à destination des PVD en seraient exemptés. Un pourcentage particulier serait calculé pour les destinations mixtes. L'argent récolté, environ 6 milliards de dollars par an, serait affecté à un compte dédié à la réduction des émissions et à l'adaptation du transport maritime aux changements climatiques (montée du niveau des eaux pour les ports, etc.).

Bien d'autres dispositifs ont été mis en avant par l'OMI : création d'un indice de restriction des émissions de CO2 pour les nouveaux navires ; limitation obligatoire des infrastructures portuaires ; mécanisme d'échange de droits d'émission. Tout reste à négocier.

Mais selon Hassiba Benamara, spécialiste des transports au sein de la Cnuced, "seules des mesures techniques et opérationnelles pourraient être rapidement imposées à tous". Comme la réduction de la vitesse des navires - rendue obligatoire en 2004 par la Californie à l'approche de ses ports - ou encore l'alimentation électrique à quai des bateaux, déjà pratiquée à Los Angeles. En 2008, NYK, la compagnie maritime nippone, a imposé à sa flotte une baisse de vitesse de 10 % qui a permis une chute de 25 % sa consommation de combustible.

Les initiatives en matière d'innovation technique des moteurs ou du design se multiplient également. Basé à Marseille, l'armateur CMA-CGM, propriétaire de 377 porte-conteneurs - l'une des catégories les plus polluantes avec les navires-citernes - équipe ses nouveaux bateaux de moteurs à injection électronique, permettant de réduire la consommation de carburant de 3 % et celle d'huile de 25 %. Des efforts sont faits sur les safrans et les hélices pour améliorer l'hydrodynamique de ses navires.

Selon la Cnuced, ces mesures techniques prises par l'ensemble des armateurs devraient permettre de réduire jusqu'à 20 % les émissions de CO2 sur les anciens navires et jusqu'à 30 % sur les nouveaux.

Agathe Duparc
LeMonde.fr